La grosse difficulté, une fois que tous les paramètres de prise en compte de la parole du client auront été implantés dans l’entreprise, ne sera plus de proposer des produits adéquats, mais de garantir la bonne osmose de toute l’entreprise vis-à-vis de ces "révolutions".
Ainsi, la SNCF en a fait expérience le 21 septembre 2006. Suite à l’écoute assidue de son public, elle a mis en vente 50'000 billets de TGV à 5€ Bien que la vente ne commence qu’a midi, le site de vente en ligne voyages-sncf était inaccessible dès 10 heures du matin. Le site étant en temps normal déjà régulièrement indisponible cela était attendu, même si, d’un point de vue marketing, ceci n’est pas acceptable. La question que l’on peut légitimement se poser est de savoir si quelque chose avait été entrepris au niveau informatique pour contrer ce problème potentiel. D’ailleurs, comme ce site est régulièrement indisponible, la publicité pour la SNCF proposant des billets à 5€ et par la même occasion un site fonctionnel offrant un service de pointe à chacun aurait été terrible !
Pour obtenir un de ces billets, il ne restait donc plus qu’à faire la longue queue à un guichet. 45 minutes plus tard les 50'000 billets étaient vendus, laissant un certain nombre de mécontents dans les files d’attentes. Quelle sensation éprouve les usagers SNCF ? Bonne pour ceux qui ont eu des billets, mauvaise pour ceux qui ont du attendre une heure pour rien avec intervention de la police dans certains cas.
Quant à l’image commerciale, la SNCF a montré son incapacité à accueillir cet afflux de clients qu’elle a elle-même déclenchée. Par contre la rapidité de vente montre bien que la compagnie avait ciblé juste en répondant à un besoin d’une grande partie de ces clients : des trains rapides à bas prix ! Malheureusement, cette campagne n’aura pas apporté l’effet escompté. Alors que l’offre était formidable, issue d’une écoute clients assidue et d’une prise en compte totale de leur besoin, seul le département concerné avait fait un effort pour la circonstance. Le reste ronronnait comme à son habitude !
Au final, l’image de la SNCF n’en sort pas grandie, au contraire ! Pire encore, les médias se sont emparés de l’affaire en faisant ressurgir le problème délicat de la jungle des tarifs SNCF. Il faut savoir qu’il existe plusieurs centaines de tarifs différents. D’après la SNCF, 75% des passagers voyagent à tarif réduit (la réduction pouvant atteindre 75%). Les guichetiers ne maîtrisent absolument pas cette complexité et sont généralement bien incapables de conseiller un client pour obtenir le meilleur prix. Il faut savoir par exemple que sur certains tarifs les places en première classe sont moins chères que les secondes (et les guichetiers ne peuvent avoir sur le même écran les tarifs de seconde et de première classe...).
Nous constatons donc une inadéquation entre l’offre et les outils de vente, engendrant de la frustration non seulement de la part du voyageur, mais également de l’employé, se sentant désarmé face à la demande et incompris de sa hiérarchie. D’autres tarifs voient leurs prix évoluer (aussi bien à la hausse qu’à la baisse) avec la vitesse de remplissage du train spécifié. Enfin énormément de tarifs spéciaux restent quasiment inconnus des guichetiers (il faut, par exemple, bien du courage pour obtenir le tarif spécial Festival de la BD d’Angoulême...). Cette complexité entraîne deux autres désagréments :
- Le premier est qu’il est nécessaire d’avoir un système informatique complexe et fortement dimensionné pour supporter la charge. Cette complexité entraîne inévitablement de nombreux bugs qui défraient régulièrement la chronique. Son coût est très important (coût informatique + coût des paralysies partielles ou total du système).
- Le second est qu’il faut environ 10 minutes pour obtenir un billet au guichet, ce qui peut paraître peu pour un profane de la SNCF, mais qui est en réalité beaucoup compte tenu de l’encombrement des guichets dans les grandes gares (10 minutes multipliés par autant de personnes qui vous précédent dans la queue). Et donc un coût important de personnel et d’équipement en guichet (personnel qui, de plus, est en nombre insuffisant).
A cela s’ajoute, pour le client prenant occasionnellement le train, le désagréable sentiment de se faire "avoir", lorsqu’il voit le prix de son billet varier dans de fortes proportions ou qu’il voit son voisin payer 75% de moins. Une autre source de coût important réside dans le remplissage des wagons de premières classes. Ceux-ci restent quasi vides (sauf pour les trains complets en seconde). Autrement dit, ce sont les passagers de seconde classe qui paient le transport des premières. En résumé, une action commerciale remarquable se transforme en auto-goal car les infrastructures nécessaires n’ont pas été mises en place pour l’occasion. La marque doit être une promesse tenue. La promesse était belle, mais non tenue. La SNCF est une entreprise qui se relèvera sans problème de ce bug.
Qu’est aurait-il été d’une PME voulant également innover de manière spectaculaire, mais ne respectant pas sa promesse ?
Commentaires